Instantané N° 12 juillet 2005

HvAPX1

Hydra viridis et Chlorella sont inséparables ; une étrange histoire les unit. Tout d’abord commençons par faire les présentations. Hydra viridis, l’hydre d’eau douce, est un polype de quelques millimètres de long qui vit en eau douce. Ce minuscule animal a la forme d’un petit tube dont une extrémité lui sert de pied pour se fixer sur une roche, tandis qu’à l’opposé se situe sa bouche couronnée de tentacules. L’hydre d’eau douce est solitaire dans l’âme et pourtant, elle a conclu un marché avec une algue verte microscopique: la Chlorella. Ces algues, constituées d’une unique cellule, bénéficient de la protection du polype au cœur-même des cellules de ce dernier, faute de quoi elles ne pourraient survivre. En échange de son hospitalité, les petites algues lui offrent de l’énergie et sont ainsi indispensables à sa reproduction lorsque les conditions de vie se détériorent. Dans cette précieuse association, chacun y trouve son compte : c’est la symbiose.

Regardons de plus près la relation qui unit ces deux êtres. L’algue Chlorella stimule la synthèse de certaines protéines chez l’hydre d’eau douce, notamment de la protéine HvAPX1. Il s’agit d’une enzyme, protéine qui catalyse des réactions chimiques. Plus précisément HvAPX1 est une peroxydase dont la mission est de piéger les radicaux libres, nocifs pour les cellules. Cependant, cette peroxydase est fabriquée uniquement lorsque l’hydre conçoit un ovule dans le but de se reproduire. Le rôle de HvAPX1 serait très vraisemblablement de protéger l’ovule pour qu’il arrive au terme de son développement sans dommage. La descendance de l’hydre est par conséquent assurée, celle des algues aussi puisqu’elles sont transférées dans l’ovule au moment de sa formation.

Quelle est l’origine de cette protéine qui semble jouer un rôle-clé dans la survie de nos deux minuscules organismes ? HvAPX1 nous réserve là une bien belle surprise. Bien qu’elle soit produite par la machinerie de l’hydre d’eau douce, cette protéine n’a rien d’animal. En effet, on n’a jamais détecté son gène chez les animaux auparavant. Et pour cause, c’est une protéine caractéristique des plantes ! Quel curieux paradoxe! L’hydre d’eau douce aurait-elle donc commis un larcin ? Eh bien oui, le gène codant pour la peroxydase a bel et bien été dérobé par le polype. Mais d’où vient alors HvAPX1 ? Contre toute attente, HvAPX1 ne provient pas de l’algue Chlorella mais probablement d’une plante pour l’heure inconnue et ancienne pensionnaire de l’hydre… Cette petite histoire de protéine détournée unit aujourd’hui l’hydre d’eau douce et l’algue Chlorella dans une lutte efficace pour leur survie commune. Au-delà de l’anecdote, la découverte que l’hydre ait pu s’approprier une protéine étrangère offre un nouvel éclairage sur les mécanismes de l’évolution des organismes symbiotiques.

  • Putative ascorbate peroxidase (HvAPX1), Hydra viridis: Q539E5