Instantané N° 29 décembre 2006

Lipase pancréatique

Ecrit par Melina Tiphticoglou

Voilà l’hiver qui arrive. Une envie de se terrer chez soi, à l’abri du froid, envahit chacun d’entre nous. Dehors les arbres ont perdu toutes leurs feuilles, les nuits deviennent de plus en plus longues, le thermomètre indique des températures avoisinant le zéro degré et les ressources alimentaires deviennent de plus en plus rares. Pour tous les êtres vivants commence alors une période extrêmement éprouvante. Certains s’en vont vers des horizons plus cléments, tandis que les autres se préparent à résister au froid. Beaucoup de petits animaux tels que la marmotte, l’écureuil ou le hérisson, mais aussi la chauve-souris et certains oiseaux entrent alors dans un état d’engourdissement total et passent l’hiver sans bouger de leur tanière : ils hibernent.

Malgré les apparences, l’hibernation n’est pas un simple sommeil prolongé. Il s’agit d’un état physiologique tout à fait particulier qui va permettre une économie d’énergie d’environ 90% ! Bien entendu, l’entrée en hibernation nécessite certains préparatifs. Dès la fin du mois d’août, l’animal constitue d’importantes réserves énergétiques sous forme de graisses - jusqu’à deux fois son propre poids. Il aménage ensuite son terrier qu’il choisit de manière à éviter des variations thermiques importantes et s’installe dans une position qui garde le maximum de chaleur, généralement en boule. Sa température corporelle chute alors de façon spectaculaire et se rapproche de la température à l’intérieur du terrier : entre 2 et 3°C. Cette baisse de la température interne entraîne un ralentissement de toutes les fonctions vitales: le rythme cardiaque passe de 200-300 battements par minute à 2-10 battements par minute et la consommation en oxygène devient 50 fois plus faible.

Comment l’organisme s’adapte-t-il à ces nouvelles conditions ? Chez l’écureuil, le régime riche en graisses suivi à la fin de l’été préparerait l’animal en stimulant la production massive d’une protéine : la lipase pancréatique. Celle-ci va jouer un rôle essentiel au cours de l’hibernation. En digérant les graisses stockées, elle va rendre accessible l’énergie emmagasinée avant l’hiver. Cette enzyme est normalement localisée dans l’intestin, mais, entre les mois de septembre et mars, on la trouve en très grandes quantités dans le cœur des hibernants. Cette nouvelle localisation n’est pas anodine puisque le cœur est un organe important qui a besoin d’être ravitaillé en permanence. Cela signifierait-t-il alors que la protéine continue à être active malgré de très basses températures ? Effectivement, voilà encore une particularité : alors que la plupart des enzymes sont totalement inactives au-dessous de 5°C, la lipase pancréatique conserve encore le tiers de son activité à 0°C. Pourquoi ? Nul ne le sait à ce jour précisément.

Et qu’en est-il de l’homme ? Pourrait-il, lui aussi, entrer dans sa tanière au début de l’hiver et n’en ressortir qu’à l’arrivée du printemps ? Malheureusement, ce n’est pas le cas. A partir de 35°C il tombe en état d'hypothermie et perd conscience à 33°C. En réalité, une température interne de 37°C est indispensable au bon fonctionnement physiologique de ses organes. Dans cette optique, une connaissance plus approfondie des adaptations biologiques ayant lieu pendant l’hibernation pourrait nous permettre de mieux comprendre quelles sont, chez l’homme, les réactions de son corps face à un manque subi d’oxygène, de nourriture ou encore face à une chute brutale de sa température interne.

  • Pancreatic triacylglycerol lipase, Spermophilus tridecemlineatus (écureuil léopard): O88354