Instantané N° 26 septembre 2006

Chlorotoxine

Ecrit par Giuliana Brunetti
Traduction: Prolune

Trouver l’intrus est le casse-tête des oncologues à la recherche de nouvelles drogues anticancéreuses. Un traitement anti-tumoral efficace doit en effet différencier les cellules cancéreuses des cellules saines, afin de ne pas endommager les tissus sains. Et qu’est-ce qui tomberait plus à pic que le redoutable scorpion connu sous le nom de "Death Stalker" ou "semeur de la mort"… ? Bien que le scorpion ait gagné son petit nom dans le désert israélien pour avoir fait des victimes nombreuses et diverses, le Leiurus quinquestriatus est aujourd’hui célèbre pour les vertus inattendues de son venin dans le ciblage des cellules cancéreuses.

Le venin du scorpion est injecté par piqûre et peut tuer des animaux plus grand que l’arthropode lui-même. Ses proies succombent à un arrêt cardiaque ou respiratoire après avoir développé des symptômes tels que des convulsions, une accélération du rythme cardiaque ou une augmentation de la pression sanguine. Les composés responsables d’une telle détresse sont deux neurotoxines : la chlorotoxine et la charbydotoxine. Ces dernières se lient à des protéines dans la membrane des cellules nerveuses causant des dysfonctionnements neurologiques et finalement la mort.

De telles toxines sont d’un grand intérêt dans le développement de drogues anticancéreuses. Il semble que ce soit aussi le cas de la chlorotoxine. Quelle serait son action anti-tumorale ? Cette toxine de 36 acides aminés est une petite protéine qui se lie à des "canaux chlore activés par le calcium" avec une grande affinité. Ce sont des protéines qui fonctionnent comme des pores pour laisser passer des ions chlore au travers de la membrane cellulaire. Et il se trouve, que ce genre de canal est surexprimé dans divers types de cancers, notamment les gliomes, une forme de tumeur cérébrale. Récemment, les chercheurs ont fabriqué de la chlorotoxine – surnommée TM-601 – qui a été ensuite testée sur des patients atteints de gliomes sévères. Aux doses utilisées, la TM-601 est presque inoffensive pour l’organisme. En réalité, la toxine joue simplement un rôle de véhicule qui transporte vers la tumeur le véritable meurtrier : de l’iode radioactive.

A ce jour, les résultats semblent encourageants. Ce n’est pas la première fois qu’un poison naturel est employé en tant que médicament : certains sucres de la digitale pourprée sont employés dans le traitement des maladies cardiaques, la toxine botulinique – d’origine bactérienne- est utilisée dans le traitement de spasmes musculaires et le venin de la limace des pétoncles en tant qu’analgésique. Espérons que la chlorotoxine pourra entrer dans ce palmarès des drogues médicamenteuses naturelles...

  • Chlorotoxin, Leiurus quinquestriatus quinquestriatus (scorpion égyptien): P45639