Instantané N° 58 août 2009

le récepteur du poliovirus

Chaque organisme dépend d'un autre pour sa survie. Les fleurs ont besoin d'abeilles. Les grenouilles ont besoin de mouches. Les humains ont besoin de fruit. Et les virus ont besoin de nous. En particulier, le poliovirus a besoin de nos cellules pour se répliquer et se multiplier. Par la même occasion, le virus endommage la cellule hôte et interrompt son activité. Mais, avant d'infecter une cellule, tout virus doit pouvoir y entrer... Dans le cas du poliovirus, il suffit d'une protéine spécifique - le récepteur du poliovirus. Cette protéine se trouve à la surface de bon nombre de cellules et permet au virus de pénétrer à l'intérieur de ces dernières.

Lorsqu'un être humain est infecté, le poliovirus se multiplie d'abord dans les cellules épithéliales de son intestin. De l'intestin, il peut alors envahir la circulation sanguine qu'il va utiliser comme autoroute qui le mènera jusqu'au système nerveux central. Là, le virus infecte les cellules nerveuses qui contrôlent nos muscles. Il s'y multiplie puis finit par les tuer, les unes après les autres, causant ainsi la paralysie progressive des muscles et les déformations que l'on connaît, et avec lesquelles les victimes de la poliomélithe doivent vivre.

Les virus ont de l'imagination. En effet, les années aidant, ils ont eu le temps de concevoir d'habiles stratégies pour déjouer les systèmes de défense des cellules. Le poliovirus a trouvé sa cible : le récepteur à poliovirus. En temps normal, ce récepteur est impliqué dans la réponse immunitaire, mais le poliovirus sait le détourner de sa fonction d'origine et l'utilise pour entrer dans les cellules. Comment ? Ce récepteur possède un domaine particulier qui peut s'emboîter dans les sillons se trouvant à la surface de la capside virale. Une fois attaché, le poliovirus a deux options. Il peut, soit pénétrer entièrement dans la cellule, soit simplement injecter son matériel génétique dans le cytoplasme de cette dernière. Dans les deux cas, il y aura propagation du virus.

L'étude du poliovirus a permis de comprendre les mécanismes mis en jeu lors de l'infection virale - ce qui est important pour le développement des vaccins. Mais les chercheurs sont inquiets : l'éradication du poliovirus - qui date des années soixante - pourrait freiner le financement de la recherche dans ce domaine. Ceci aurait des conséquences tragiques non seulement pour la recherche fondamentale mais surtout pour les victimes mêmes de la poliomélithe. En effet, ces dernières ont parfois mis une vie pour accepter un bras ou une jambe handicapé et - des décennies après le début de l'infection - le virus vient à nouveau se rappeler à elles : fatigue, perte de la masse musculaire et douleur articulaires. Des symptômes appelés de manière bien commode « syndromes post polio » mais qui, pour ceux qui en souffrent, sont comme un nouveau coup de couteau dans le dos.